En 1997, J’aime lire interrogeait les Français sur leurs lectures d’enfance à travers une grande enquête. Quels souvenirs en gardaient-ils ? Quels personnages les avaient marqués ? Que transmettaient-ils à leurs enfants ? Pour son 40e anniversaire, J’aime lire a de nouveau mené l’enquête. Vingt ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ?
De 1997 à 2017…
En 1997, l’enquête du magazine J’aime lire avait permis de révéler de grandes tendances de société. La lecture des jeunes ne faisait notamment pas partie des préoccupations parentales, puisque 61 % des répondants révélaient que leurs parents ne s’occupaient pas vraiment de leurs lectures lorsqu’ils étaient enfants.
Vingt ans plus tard, pour son 40e anniversaire, J’aime lire a souhaité reprendre le pouls des Français et a mené, avec l’aide de l’institut de sondage TNS Sofres, une enquête similaire. Que s’est-il passé en 20 ans ? L’importante offre éditoriale jeunesse a-t-elle permis de changer les habitudes de lecture ? Quels sont les nouveaux personnages qui ont marqué les lectures d’enfance des adultes d’aujourd’hui ? Les “parents 2.0” transmettent-ils d’avantage à leurs enfants leurs habitudes de lecture que la génération précédente ?
La pratique de la lecture est restée stable en 20 ans
Premier enseignement de cette enquête à 20 ans d’intervalle : les générations actuelles d’adultes lisaient autant quand elles étaient jeunes que celles qui ont été étudiées en 1997, et ce, même sur la tranche d’âge des 25-35 ans. En 2017, comme en 1997, 52 % des Français déclarent avoir lu (souvent ou de temps en temps) lorsqu’ils étaient jeunes.
Second enseignement : la disparité homme/femme reste très marquée. En 1997, 41 % des femmes disaient lire souvent lorsqu’elles étaient jeunes contre seulement 19 % des hommes. Vingt ans plus tard, l’écart n’a pas bougé : 40 % des femmes pour 18 % des hommes disent avoir lu souvent dans leur jeunesse.
Et que deviennent ces gros lecteurs enfants ? Réponse simple : de gros lecteurs adultes ! Effectivement, 71 % des gros lecteurs adultes actuels lisaient souvent quand ils étaient petits, un phénomène qui s’accentue puisqu’ils n’étaient que 61 % en 1997.
La lecture d’enfance : une madeleine de Proust qui ne nous quitte pas adulte
La lecture est un marqueur à vie, et ce, quelle que soit l’époque. En 2017, 70 % des adultes ayant déclaré être lecteurs enfants se souviennent de leurs lectures d’enfance (livres, récits, romans). Parmi eux, 3 sur 4 sont capables de citer au moins un souvenir de lecture. Ce chiffre important témoigne à lui seul de la persistance des souvenirs de lectures d’enfance et de leur place dans la mémoire d’adulte.
« Les premières histoires qu’on nous a lues quand nous étions enfants restent dans nos mémoires comme une trace émotionnelle, mais nous gardons en tête encore plus intimement le souvenir de nos premières lectures autonomes, quand nous avons su vraiment lire tout seuls, nous pouvons même souvent nous remémorer où et quand nous les avons lues. La force des émotions procurées par la lecture est telle que nous en gardons à vie l’empreinte, alors que nous avons facilement oublié le jour où nous avons su faire du patin à roulettes ou du vélo. Aujourd’hui, des parents de lecteurs de J’aime lire nous écrivent ou nous appellent avec émotion pour retrouver l’histoire qui les a marqués enfant, et qu’il voudraient tant transmettre à leurs enfants. Ils peuvent nous décrire, 40 ans après, la narration, la place de tel ou tel dessin… sans se tromper ! » (Delphine Saulière, rédactrice en chef du magazine J’aime lire.)
Les personnages des lectures d’enfance des Français
Parfois un personnage ou un univers laisse à l’âge adulte des souvenirs impérissables. En 1997, si les grands classiques comme Jules Verne (8 % des répondants citaient l’auteur ou un de ses ouvrages) et la Comtesse de Ségur (6 %) arrivaient en tête du palmarès, ils côtoyaient des œuvres plus populaires comme Le Club des Cinq (6 %) et les romans issus de la Bibliothèque Rose (10 %). Dans les deux cas, on voyait le plaisir qu’avaient les enfants à retrouver des personnages au long cours. L’engouement pour les séries était déjà en germe.
Vingt ans plus tard, en 2017, l’attachement des adultes pour les séries de leur enfance se confirme et progresse. Les séries de la Bibliothèque Rose prennent la tête du palmarès avec 17 % (dont 12 % pour le seul Club des Cinq) mais décrochent sur les moins de 35 ans. La Bibliothèque Verte (5 % des répondants), les Martine (4 %) et la collection Chair de Poule lancée en 1995 (1 % au total, 4 % sur les moins de 35 ans) intègrent eux aussi le palmarès.
« Le personnage récurrent, qui vit de nombreuses aventures, qu’on retrouve et qu’on connaît de mieux en mieux au fil des histoires est un vecteur profond d’attachement pour les lecteurs. C’est pourquoi les séries sont adorées par les jeunes lecteurs ! Le magazine J’aime lire a ainsi, au fil des ans, vu émerger des personnages, plébiscités par les lecteurs, avec des apparitions régulières : L’espionne de Marie-Aude Murail, Crapounette de Bertrand Fichou, ou encore Thierry le ver de terre de Paul Martin. Dernière-née : Vampirette, qui en est à sa troisième aventure », explique Delphine Saulière.
Côté jeunes adultes (entre 25 et 34 ans), on note une forte disparité avec le palmarès général. La bande dessinée s’est nettement installée chez cette génération dans les habitudes de lectures enfant. Si elle n’était pas du tout citée en 1997, elle l’est pour 5 % des Français en 2017, et monte à 9 % chez les 25-30 ans. Elle ne semble plus être considérée par les parents comme un sous-genre, ce que confirme Delphine Saulière : « Enfin la bande dessinée est reconnue comme un genre littéraire à part entière, et pas seulement destinée à un public de “mauvais” lecteurs » ! Elle a ses festivals, ses auteurs cultes, ses sous-genres (la ligne claire, le manga…). Car la BD demande un effort de lecture particulier, obligeant l’œil à circuler entre l’image et les dialogues. Dès le numéro 1 de J’aime lire, la BD était présente dans le magazine, avec les ineffables Tom-Tom et Nana qui sont devenus des héros extraordinaires. À l’époque, la BD en France n’était pas spécialement destinée aux jeunes enfants. J’aime lire a su adapter cette façon de raconter des histoires en texte et en image aux lecteurs débutants. »
Le phénomène est le même sur la série Harry Potter dont le premier tome est paru en France en 1998. Le jeune héros à lunettes rondes est cité par 9 % des 25-30 ans contre 1 % toutes générations confondues.
Transmission : les parents d’aujourd’hui s’investissent dans les lectures de leurs enfants
L’enquête 2017 permet de révéler une évolution notable sur ce que les parents transmettent comme habitudes de lecture à leurs enfants. En 2017, plus de 6 parents sur 10 (63 %) ayant au moins un enfant entre 7 et 12 ans déclarent proposer des livres à leurs enfants qu’ils ont aimé au même âge. Ils n’étaient que 48 % en 1997, soit une progression de plus de 15 points. Plus les parents sont de grands lecteurs adultes, plus ils transmettent à leurs enfants leur goût pour la lecture : 90 % des gros lecteurs proposent ainsi souvent des ouvrages à leurs enfants.
Mais la transmission semble rester principalement une affaire de femmes : 73 % des femmes déclarent acheter ou proposer à leurs enfants des livres qu’elles ont aimés à leur âge, contre seulement 41 % des hommes. En 1997, 65 % des femmes et 49 % des hommes déclaraient acheter ou proposer à leurs enfants des livres qu’ils avaient aimés à leur âge.